A coeur ouvert

A propos de :  Homo Bulla de Damien Deroubaix (Galerie In Situ, Paris) – Le Monde plausible. Espace, lieu, carte. de Bertrand Westphal (Editions de Minuit, 2011) – Lo Spazio del Cuore, Claudio Parmiggiani (Galerie Meesen De Clercq, Bruxelles)

C’est un objet en verre dans une exposition de Damien Deroubaix. Je ne mets pas facilement un mot dessus. C’est entre le réel et l’onirique, fuyant. Chaque fois que je cherche à m’en emparer par le langage, une nouvelle métaphore s’interpose. Je sais sans savoir. « On imagine mal le monde. On ne sait où il s’achève, ni comment ; on en est à conjecturer sur sa forme géométrique. À l’exception des érudits, on ne prête qu’une attention marginale à sa configuration physique. » (Bertrand Westphal). La notice de la galerie d’art vient à mon secours. C’est un cœur. Ainsi ? Oui, ça doit être ainsi, c’est tout à fait plausible. Si je devais, souffleur de verre, donner une forme à mon coeur, je pourrais en arriver à un résultat similaire. Plus précisément, c’est un cœur d’animal, de taureau. Mon regard le traverse – transparent, il ne retient rien, il est là et nulle part -, et s’émerveille s’effraie d’une distance si mince entre l’humain et la bête. Tant de siècles et de constructions culturelles pour séparer l’homme de l’animal et voyez comme ils se confondent dans cet organe de cristal. Le cœur comme espace frontière par excellence. Si le cœur est notre pulsation identitaire que l’on revendique unique, en même temps, il ne bat pas que pour nous. Au contraire, à chaque fois qu’on le sent de manière aiguë, il ne bat que de battre pour d’autres, personnes, animaux spectacles qui émeuvent ou circonstances qui mettent « hors de soi ». L’expérience sentimentale apprend que le cœur peut être captif, retenu dans un autre corps, ne plus battre dans le nôtre, être captif et pulser hors de nous. Pour annexer de l’autre ou pour se faire adopter, s’expatrier, quitter son enveloppe corporelle, s’oublier ailleurs, s’infiltrer dans une autre vie. Les combinaisons qui découlent de son double statut d’organe réel et d’organe idéel, biologique et symbolique, technologique et poétique sont troublantes. Comme si par lui on ne pouvait jamais complètement être à l’intérieur ou à l’extérieur, mais les deux à la fois. Quel lieu est le cœur ? Si matériellement perceptible et pourtant résonnant comme de nulle part ? L’étude scientifique du fonctionnement cardiaque s’estompe chaque fois que, rompant le temps ordinaire durant lequel on ne l’entend plus, nous nous mettons à l’écouter. Par lui, notre étrangéité redevient sismique, vague mais tenace. Qu’est-ce qui jaillit là ? À l’intérieur du très pragmatique mécanisme corporel, que signifie cette persistance d’un inexpliqué, inexploré dont la manifestation scandée coïncide avec notre respiration, habite notre souffle ? Comment ce rythme régulier, sans origine ni fin, automatique et impersonnel peut-il être aussi une signature, la nôtre et celle de personne d’autre, au point d’inspirer une bibliothèque de chants cardiaques enregistrés par l’artiste Boltanski ? Cela déroute et raffermit tout à la fois, rappelle la limite des connaissances humaines en étant source d’angoisse ou de réconfort. Au centre de ce qui fait l’objet d’une des plus vastes entreprises cognitives, le corps humain, quelque chose demeure hors de portée. Ce qui échappe là est le moteur de la respiration. Ligne d’horizon originelle, inviolée. « Selon Agamben, la stance était pour les poètes du XIIe siècle le noyau essentiel de la poésie, le foyer du joi d’amor. Elle était vouée à rester hors de portée, indéfiniment. En vue d’expliciter le caractère insaisissable de la stance, Agamben s’est inspiré de quelques passages du Timée de Platon et de la Physique d’Aristote, qui du reste citait le Timée. Au début du Live IV de la Physique, Aristote se livre à une étude du lieu et constate : « Mais le physicien doit savoir, de la même manière, à propos du lieu aussi, comme à propos de l’infini, s’il existe ou non, comment il existe et ce qu’il est » » (B. Westphal, Le Monde Plausible). La mécanique bien réglée du cœur, comme dissociée de toute commande délibérée, installe un halo de confiance qui nous porte vers l’avant, en s’appuyant sur le connu, ce battement qui rassure au même titre qu’une terre ferme dûment cartographiée, foulée sans jamais être touchée. Simultanément, ce qui excite le cœur et exerce sa mesure musculaire, c’est l’inconnu qu’il ne cesse d’affronter de par sa nature même, indépendamment de notre volonté et cela se manifeste par une tension, tantôt éclipsée, tantôt exacerbée, le plus souvent latente, qui laisse entendre qu’à tout instant il peut rompre. D’où viendront l’effroi et l’arrêt cardiaque ? L’inconnu qui jouxte le cœur fait qu’à chaque temps compté il y ait un passage à vide. On sait que prendre son propre pouls, compter les élancements, peut donner le vertige comme de transgresser un interdit, risquer d’entendre ce que l’on ne peut entendre, s’abîmer dans les ondes concentriques, hypnotiques, sur le miroir des eaux souterraines. Y a-t-il un lieu du cœur ou non ? Ou n’est-ce qu’un jet insaisissable, le cœur comme stance de l’être ? « Pour les cartographes, comme pour les poètes du Moyen Age, il se sera agi d’appliquer le précepte qu’Agamben résume ainsi : « (…) il n’est possible de s’approprier le réel et le positif qu’à la condition d’entrer en rapport avec l’irréel et l’inappropriable ». » Et plus loin : « A la longue, la dimension de l’irréel a cessé de faire partie intégrante du paysage mental et politique de l’Occident. Les velléités de réalisation du fantasme par les armes et la violence finirent par s’imposer. C’est que la stance n’aurait su rester vide trop longtemps en son centre, sauf à alimenter la mélancolie, une humeur si européenne pourtant. Cela dit, une part d’irréel était appelée à subsister, car il fallait continuer à nourrir le rêve d’une réalisation à venir. » (B. Westphal). Dans l’écoute de soi, en dépit d’efforts millénaires de l’Occident pour imposer sa globalité au monde, on entend toujours jaillir le vide de la surprise, l’irréel que la stance éclaire, de ses clignements mélancoliques et dont nous procédons. Bulles fragiles de savon qui se forment et se désintègrent. Comme ces fioles sur lesquelles Damien Deroubaix grave les figures de l’au-delà, démons, satyres, grands boucs, bestiaire mélancolique.

L’organe tel que représenté par Parmiggiani est, lui, opaque et compact, d’une couleur de sang bruni, séché, pétrifié, sanctifié dans le cube blanc aveuglant. Il est plus réalistement humain que celui de Deroubaix, pourtant, il dévie tout autant l’interprétation vers autre chose. Faut-il y voir une sorte de déni devant la chose ainsi extirpée, coupée, exposée dans l’immaculé galeriste ? Malaise devant la représentation asphyxiant l’irreprésentable intime ? La teinte rouille et la matière métallique font que surgit à la place du cœur, malgré l’évidence, une pièce de moteur industriel, sidérurgiste, fabriqué en série, en tout cas liée à la forge, aux techniques de fonderie. Une pièce d’archéologie industriel transformée en bijou, un trophée, une parure. La surface éprouvée, finement ravinée, granuleuse, énergiquement nervurée, comme modelée en différents pays et régions, en fait un cœur particulier, pas n’importe lequel, mais rattaché à une biographie singulière et close. C’est l’empreinte géologique et géographique d’une vie achevée, en tout cas interrompue. Empreinte de ce que laisse derrière lui un individu monde, une mappemonde échouée dont le volume, la marque des épreuves, les élans de joie, les marasmes chroniques retracent la vision du monde avec laquelle le propriétaire de cet organe-ci aura vécu. Cette forme intérieure, tellurique, est incrustée de brillants, ce qui lui donne de surcroît un air de cosmos étoilé. Carte du ciel. (« En y regardant de plus près, les férus d’astronomie y découvriront, parmi des dizaines de minuscules diamants, la représentation de la constellation du Poisson, le signe astrologique de la mélancolie. », texte de la Galerie Meessen De Clerc). De quoi le cœur est-il la carte ? « L’usage du vocable dans un sens géographique n’a été établi en Français qu’au XVIe siècle. Auparavant, on parlait de carta, mais aussi bien de figura ou de pictura. On (se) représentait la terre mais on ne l’ancrait pas dans une « réalité » stable. La peinture du monde était encore largement une parure. L’artefact était manifeste ; personne n’aurait cru bon de le dissimuler. (…) La géographie réelle s’efface ici au profit d’une géographie symbolique, qui dans l’ordre hiérarchique de l’époque dépend de la référence religieuse. Le monde s’adapte à la trame que l’histoire chrétienne a véhiculée. Il ne saurait être question de réalisme au sens moderne du terme. C’est plutôt le réel que l’on pare au gré des impératifs d’une représentation immuable, celle que la Bible et ses diverses interprétations ont imposé à l’évidence de l’homme médiéval. » Revenant sur l’étymologie du terme mappemonde où « mappa renvoie à une serviette », Bertrand Westphal rappelle que pour « Horace, elle est un linge de table » et pour « Quintillien, elle est un morceau de tissu que l’on jette dans l’arène pour signifier le début des jeux. » Et de continuer : « Si l’on déplaçait cette étymologie sur le plan métaphorique, on résumerait assez bien les enjeux du début de l’ère des conquêtes : c’est peut-être en jetant une carte encore vierge, et qu’il fallait remplir, dans l’arène du monde que l’on déclencha le jeu cruel de la colonisation. » (B. Westphal) Le cœur rejoue le théâtre des conquêtes. Comment il bat la chamade en s’approchant du territoire habité d’un autre cœur qu’il souhaite investir et par lequel il rêve d’être envahi en retour. Il rejoue continuellement l’approche des terres inconnues, l’obsession de la ligne d’horizon au-delà de laquelle le navigateur bascule dans le monde inhumain de l’animalité et de l’enfer. Avant qu’Ulysse ne les franchisse et n’en revienne, les colonnes d’Hercules bornaient notre monde. De l’autre côté, on tombait. Ce lieu existe toujours au cœur du cœur conservant le mythe dans notre actualité. Le coeur peut se sentir exilé heureux, rivé à une palpitation cardiaque, lointaine, dépaysante, ou bien déprimer, captif d’un cœur inhospitalier. Il peut se sentir dopé par un battement qui redouble sa force, une vie synchronisée sur la sienne ou, au contraire, infiltré par un intrus et mis en esclavage. Selon ces dynamiques changeantes qui influent sur les humeurs et la perception de l’environnement, nous adaptons les représentations géographiques de notre monde et les manières dont il se raccorde au grand monde réel. Le tissu cardiaque est modelé et gravé par ces fluctuations. Au cours d’une vie, le fil narratif que nous dévidons change d’axe, se décentre, se déplace. Confronté à ces tropismes, le cœur, soucieux de rester l’omphalos référentiel, cherche à se recentrer selon les territoires que nous perdons ou agrégeons, selon que notre aventure se développe selon telle ou telle histoire influencée par les rencontres avec telle ou telle personnalité, selon que nos recherches culturelles ou scientifiques intègrent telle découverte, effectuent des extensions ou des replis émotionnels. Ce rythme cardiaque, assourdissement que nous n’entendons plus, accompagne toutes nos activités cognitives, bat de concert avec le travail du cerveau, au fur et à mesure que nous redéfinissons notre espace vital en vue de gagner du terrain sur les zones occupées par l’autre, la nature, les objets, les paysages, l’objectif étant de convertir de l’espace vierge en lieux habitables. Faire reculer la ligne d’horizon. Sans oublier que parfois nous devons inverser cette finalité, placer des lieux en jachères, encourager la conversion du cultivé en espace vierge. Le cœur, au croisement de l’organe réel et fictionnel, est à l’image de la pulsion cartographique qui a presque toujours consisté à dessiner le monde réel selon les fictions de la civilisation dominante. On cherche à jouir du réel de l’autre en lui assurant avoir du cœur, en cherchant à subsumer le sien au nôtre. Bertrand Westphal, textes à l’appui, rappelle comment les premières cartes de l’Afrique ont été la projection des mythes européens faisant état des premières incursions sur ce continent. Il fallait prouver la véracité de ce que la civilisation antique, fondatrice de la nôtre, avait inventé, prouver l’origine. La cartographie est un instrument de colonisation. Il n’y a de « nouveau monde » qu’à effacer ce qui, à cet endroit, préexistait à notre arrivée, à oublier ceux qui y vivaient, s’emparer de cette surface et la redéfinir, la dessiner selon l’inventivité conquérante. « Cette mascarade était d’autant plus frappante qu’aucune antériorité territoriale n’était accordée au premier habitant des lieux. Avant la conquête, son environnement était donc amorphe. Il appartenait au colonisateur, figure quasi divine, de donner forme à l’espace, de s’emparer d’un peu de glaise afin de façonner le lieu à son image. Plus près de nous, plus loin de l’Eden, fingere signifiait « pétrir ». L’invention du lieu est une véritable fiction, un pétrissage du réel. Quant à la fiction telle que nous l’entendons aujourd’hui, elle est elle-même un lieu, le « terrain mixte de la production et du leurre », comme dit Michel de Certeau. Un terrain dont la page est la carte. Ou une page dont le terrain est la carte. » (B. Westphal). La cartographie coloniale du monde a signifié « la négation au moins partielle de l’autre » selon une « représentation des espaces, parfaitement ethnocentrique ». Heureusement, le cœur ne se fige pas, n’est jamais irrémédiablement blasé, il conserve un fort potentiel de réversibilité. De bascule. Même si le nôtre, voire celui d’une génération, se raidit et atrophie l’irréel de sa stance, il reparaît intact en de nouvelles générations et, perpétuant dans l’insitué organique, la présence déstabilisante et exaltante de la ligne d’horizon, il peut toujours fissurer et faire chanceler les certitudes de l’espèce humaine, battre à rebours de tout ethnocentrisme, recommencer l’aventure des grandes découvertes sur de nouvelles bases. Ne pas tuer ce qui inquiète. Emprunter d’autres lignes de fuites, durables celle-là. « Mais cette ligne avait sans doute un défaut inné : elle ne se conformait pas à l’axe de navigation. Ni vraiment à bâbord ni franchement à tribord, elle n’accompagnait le mouvement hauturier. Elle matérialisait plutôt la promesse d’une progression sans terme, d’un au-delà permanent dont on se rapprochait sans jamais le franchir. Elle intimidait, elle écrasait et, surtout, déjouait obstinément toute velléité de finitude. Elle se dérobait à l’avant. Elle se dérobait aussi à l’arrière. La navigation en haute mer faisait de l’horizon un cercle itinérant qui ne contenait rien et ne rassurait personne. » (B. Westphal) Le mal de mer du cœur.

Rivage improbable entre fini et l’infini, organe biologique et symbolique, démarcation labile entre faux et vrai à l’instar de ces petits pains de Parmiggiani, dressés sur le plateau brillant d’une dernière Cène, image de nourriture non mangeable en farine de bronze, la dernière Cène ajournée indéfiniment. Le cœur donc est aussi ce « cercle itinérant » en rotation sur lui-même, lieu de bouleversements des géographies de l’intime, espace où tout peut changer, espace de change même, selon le concept de Catherine Malabou. Comme l’illustre à merveille l’amour entre Ulysse et Pénélope. L’espace, c’est le vierge, il jouxte toujours l’infini. Le lieu est un bout d’espace maîtrisé/métrisé (Deleuze/Guattari), domestiqué. Ulysse part explorer l’espace. Pénélope l’attend en un lieu précis, Ithaque. Malade de l’espace, Ulysse fantasme son retour au lieu. Malade d’attendre confinée dans son lieu, Pénélope fantasme l’espace d’Ulysse. « La géographie intime des deux conjoints est inverse et par là même se révèle complémentaire. Pénélope et Ulysse se projettent au loin, l’une vers l’espace ouvert où son mari erre, l’autre vers le lieu du confort domestique. Il leur faudra d’assez longs instants pour se reconnaître. Il leur faudra identifier un lieu commun, une expression qui n’est pas toujours péjorative. Le déclic intervient devant la couche façonnée dans un tronc d’olivier qui est lui-même enraciné dans le sol du palais d’Ithaque en guise d’omphalos privé. Il serait poétique de supposer que ce repère se transformera en espace pour Pénélope et pour Ulysse en lieu. Et comme à la longue le lieu ennuie, Ulysse repartira délibérément vers de nouveaux espaces où l’on ne connaît pas le sel. Je doute qu’Ulysse ait été lassé par Pénélope ; je préfère penser qu’il s’est approprié le point de vue de la femme, infiniment plus ouvert et dynamique que le sien. Il aura choisi l’espace plutôt que le lieu. » (B. Westphal)

Les bruits n’ont pas le même écho le jour que la nuit. Selon nos humeurs, le cœur broie du noir ou de la clarté. Plus fondamentalement, le cœur est aussi notre phare, une alternance stroboscopique de lumière et de ténèbre. « On apprend que dans notre univers en expansion les galaxies les plus lointaines s’éloignent si vite que leur lumière ne parvient pas à nous éclairer. De fait, ces galaxies s’éloignent à une vitesse supérieure à celle de la lumière. En d’autres termes, l’obscurité correspond à une lumière qui ne parvient pas jusqu’à nous. (…) Le contemporain est en somme celui qui accepte que l’étoile file en sens inverse et que l’humanité, confrontée à ses multiples limites, faillisse à recevoir sa lumière. Il sait que l’astre fait défaut, que l’obscurité est le vestige d’une lumière. Il n’est pas un tenebrio, un « ami des ténèbres » ». La sculpture Senza Titolo de Parmiggiani est un buste froid et académique (quasi impersonnel, semblable aux plâtres des écoles d’art) représentant un multiple parmi d’autres de kouros (jeune homme grec). Il est décapité, la tête a roulé par terre à l’instant précis où le sang irradiait l’intérieur de ce corps d’une lumière solaire. Sur le sol, le sang coagulé dessine une forme de cœur d’or. Organe catalyseur, organe irréel, présence du corps et triangle des Bermudes où s’abysse le corps, terrain de bataille du dicible et de l’indicible, étoile qui file et dont la traîne qui nous échappe signale que notre histoire déroule ses chapitres qu’on le veuille ou non, comme prévu, c’est probablement par l’exercice de l’écriture qu’il se laisse le mieux approcher. Et à une époque où le bombardement de sollicitations pour capturer nos cerveaux tend aussi à nous confisquer le cœur et ses régimes d’empathie et d’arythmie, il faut encourager, comme le fait Bernard Noël, les intentions de ressaisir ce qui bat dans le corps et ne se laisse pas facilement circonscrire, proche de l’irréel. Contre la cartographie monstrueuse que le marketing dresse de nos pulsions pour les assujettir à sa recherche de profits, il faut produire de l’irréel, garder le contact avec ce souffle qu’aucune carte ne peut dessiner. Par exemple en écrivant.  « L’écriture est l’acte de la perte du corps et du retour vers lui. Dès que nous entrons dans son mouvement, nous circulons dans cette contradiction. Le corps est tantôt clair et tantôt opaque, mais transparent ou sombre, il s’oppose en écrivant à l’envahissement des images tandis qu’au fond de lui s’ouvre la bouche par laquelle remonte le langage… » (Bernard Noël, L’écriture du corps). – (PH) – Bertrand Westphal, article. Géocritique.

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