Le damier patiné du carrelage, strié éclaboussé de rayons de soleil, captive le regard, c’est un motif qui absorbe et repose. C’est une surface de revenances aussi : combien en avons-nous connu, foulé, de ce motif classique, dans des écoles, des administrations… Le buffet de la gare est à l’ancienne, une pièce d’anthologie, vaste comme une Maison du Peuple. Un fort sentiment de déjà vu, de retrouvailles. On s’y croit facilement dans un temple du terminus (on y serait défait de tout, plus de marche en avant, plus de départs, plus de retour), à l’écart du temps. Derrière le comptoir, de hautes peintures défraîchies représentent le barrage de la Gileppe, la vie traditionnelle dans les Fagnes, un château dans la gloire de ses armes moyenâgeuses. Ce sont des fleurons de la vie touristique régionale et pourtant on dirait des scènes de vie d’une autre époque et d’autres contrées lointaines. Le barrage de la Gileppe évoque les bancs de l’école, les excursions scolaires. Ces dessins, malgré leur piètre qualité, font rêver! Au cœur de cette journée baignée d’un soleil vif, on est frappé, en entrant ici, des colonnes de fumées qui s’élèvent et confinent le rayonnement solaire (lui infligent un effet de retournement). La tabagie obscurantiste accentue l’effet d’un recul de la raison comme d’un retour vers des époques antérieures. (Se rappeler que le cours du temps n’est pas uniforme.) Avec l’effet du contre-jour, la photo restitue un climat nocturne, le négatif de ce que l’on pouvait voir mais le reflet fidèle de l’impression ressentie. Un monsieur âgé est complètement « parti » dans un cocktail historique : café, cigarette, polar. Il ne semble pas être un voyageur immobilisé là entre deux correspondances, ce n’est pas un « pas perdu », usager des services de chemin de fer. Il est là pour fumer, lire et avaler du café, s’oublier, voire se perdre. Fascinant et attachant tellement il est « vrai » tout en étant caricatural, intemporel. Sur les quais, l’air est vif, léger, pétillant d’une presque démesure printanière, l’effet d’une délivrance sans limites. Au bout des voies, il n’y a rien, un éblouissement, un embrassement immatériel, l’horizon transformé en vapeurs aveuglantes auxquelles conduit une ligne mélancolique. Des fumigènes qui semblent spirituelles par rapport à ceux qui remplissaient le café de la gare. L’appétit du départ, l’envie de disparaître, basculer dans ce genre d’ailleurs brumeux, étincelant, en lisant sans fin un livre jamais décourageant (mais sans café, sans cigarette). Je retrouve le même point de fuite, incertain et blanc, juste une évocation – un spot, un flash – qui se reflète sur la peau d’une poire trop mûre, mélancolique. (PH)
Catégories
- Art Plastique/ Expositions/ Galeries
- Art Plastique/ Expositions/Musée
- Cinéma (Chroniques DVD)
- Cinéma (en salle)
- Cinéma (Salle)
- colloque
- concert
- Cuisine/Gastronomie/ Restaurants
- danse
- Evénement
- Humeurs
- humeurs politiques
- le qui le pourquoi
- Lieux
- Livres (Essais)
- Livres (Littérature,roman)
- Musiques (Chronique CD)
- Nature
- pause urbaine
- promenade urbaine
- rayon vélo
- spectacle
- Uncategorized
-
Derniers articles
Nuage de tags
"nouvelle vague allemande" adolescence anthropocène art contemporain art de l'interprétation art et paysage avenir de la lecture publique avenir des médiathèques avenir du journalisme avenir prêt public Bourdieu cinéma indépendant collage corps cuisine et pratique culturelle culture du vélo culture et nature culture vélo Cévennes à vélo diversité culturelle dématérialisation des supports empreinte esthétique expérience du sensible fabrication d'images fabrication des cerveaux féminisme genres individuation collective industries culturelles installations installation sonore jardin l'amour et l'absolu l'attention facteur de développement culturel La Sélec le temps lieux publics et politique culturelle marketing marketing culturel mer mondialisation Mons 2015 musique improvisée musique électronique médiation culturelle médiation culturelle en médiathèque mélancolie mémoire mémoire des camps nature et culture New York organologie paysage peinture penser sous forme de paysages perte de repères photographie politique culturelle politique de l'esprit postcolonialisme poésie pratiques culturelles sentiment amoureux street art street art à Paris temps à soi terrain vague travail de mémoire travail du deuil télévision économie numérique écriture écriture et nature étude de paysageArticles les plus consultés
Blogroll
- A propos de licence globale
- actualité street art (photos, références)
- AIME (An Inquiry Into Modes of Existence)
- Appel des appels
- archives anti-fun
- Ars Industrialis
- Base de données musiques et cinéma
- bibliothécaires?
- blog d'écritures : "ruelles"
- Blog philosophie/Intercession
- Economistes atterrés
- Ecrire/Scruter
- Eye and Mind
- Indiscipline
- L’atelier des passages
- La bibliothèque apprivoisée
- La Société de Curiosités
- la vie manifeste
- Laboratoire communication-culture-société
- Le savoir-faire vigneron
- Mediamus, blog des médiathécaires de Dole
- numérique, culture écrite, pratiques culturelles
- Observatoire mondes numériques
- paper blog
- Pic Saint-Loup préféré
- platon pour tous par Bernard Stiegler
- Pthandaround
- Rosascape
- Science, culture, communication
- tête chercheuse Bruxelles Bankgok Brasilia
- tête chercheuse Globe Glauber
- tête chercheuse Noreille
- tête chercheuse Rue des Douradores
- Villa Morel
- Voix de Gilles Deleuze
Blog Stats
- 580 304 hits
Archives
- décembre 2020
- octobre 2020
- août 2020
- juin 2020
- avril 2020
- mars 2020
- février 2020
- janvier 2020
- novembre 2019
- octobre 2019
- septembre 2019
- août 2019
- juillet 2019
- juin 2019
- mai 2019
- mars 2019
- février 2019
- janvier 2019
- décembre 2018
- novembre 2018
- octobre 2018
- septembre 2018
- août 2018
- juillet 2018
- mai 2018
- avril 2018
- février 2018
- janvier 2018
- décembre 2017
- octobre 2017
- septembre 2017
- août 2017
- juillet 2017
- juin 2017
- mai 2017
- avril 2017
- mars 2017
- février 2017
- décembre 2016
- novembre 2016
- octobre 2016
- août 2016
- juillet 2016
- juin 2016
- avril 2016
- mars 2016
- février 2016
- janvier 2016
- décembre 2015
- novembre 2015
- septembre 2015
- août 2015
- juillet 2015
- mai 2015
- mars 2015
- février 2015
- janvier 2015
- décembre 2014
- novembre 2014
- septembre 2014
- août 2014
- juillet 2014
- juin 2014
- mai 2014
- avril 2014
- mars 2014
- février 2014
- janvier 2014
- décembre 2013
- novembre 2013
- octobre 2013
- septembre 2013
- août 2013
- juillet 2013
- juin 2013
- mai 2013
- avril 2013
- mars 2013
- février 2013
- janvier 2013
- décembre 2012
- novembre 2012
- octobre 2012
- septembre 2012
- août 2012
- juillet 2012
- juin 2012
- mai 2012
- avril 2012
- mars 2012
- février 2012
- janvier 2012
- décembre 2011
- novembre 2011
- octobre 2011
- septembre 2011
- août 2011
- juillet 2011
- juin 2011
- mai 2011
- avril 2011
- mars 2011
- février 2011
- janvier 2011
- décembre 2010
- novembre 2010
- octobre 2010
- septembre 2010
- août 2010
- juillet 2010
- juin 2010
- mai 2010
- avril 2010
- mars 2010
- février 2010
- janvier 2010
- décembre 2009
- novembre 2009
- octobre 2009
- septembre 2009
- août 2009
- juillet 2009
- juin 2009
- mai 2009
- avril 2009
- mars 2009
- février 2009
- janvier 2009
- décembre 2008
- novembre 2008
- octobre 2008
- septembre 2008
- août 2008
- juillet 2008
- juin 2008
Commentaires récents
Méta
-
Articles récents
- Des paradis perdus à la nappe de sang
- Bernard Stiegler, dans la nécrosasse noétique, pour l’éternité
- Une terrasse déconfinée, fin disparue
- Caresse symphonique et cosmos d’objets bouleversés (Redites)
- Le confiné poreux et ses protocoles de réconfort
- Berceau tropical et retrouvailles assiégées (Redites)
- Soixante et des poussières, âge des redites
- La danse rituelle des poumons à l’agonie
- Les écarts, écartèlements et jambes nues
- Le réduit embaumé et la cour des miracles
Rubriques
- Art Plastique/ Expositions/ Galeries (139)
- Art Plastique/ Expositions/Musée (152)
- Cinéma (Chroniques DVD) (56)
- Cinéma (en salle) (25)
- Cinéma (Salle) (5)
- colloque (13)
- concert (19)
- Cuisine/Gastronomie/ Restaurants (50)
- danse (3)
- Evénement (40)
- Humeurs (92)
- humeurs politiques (35)
- le qui le pourquoi (3)
- Lieux (32)
- Livres (Essais) (162)
- Livres (Littérature,roman) (95)
- Musiques (Chronique CD) (69)
- Nature (114)
- pause urbaine (6)
- promenade urbaine (59)
- rayon vélo (38)
- spectacle (2)
- Uncategorized (37)
Lectures terrains vagues (le livre du blog)
Pas d’événements à venir