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Pataugeoires temporelles & stases matricielles à Paris

Fil narratif de médiation culturelle à partir de : Des Lignes de désir, Félicités 2023 des Beaux-Arts de Paris  (Sofia Salazar Rosales, Victor Pus-Perchaud, Élise Nguyen Quoc, Gabrielle Simonpietri, Pierre Mérigot , Nina Jayasuriya , Louise Le Pape ) – A partir d’elle, Le BAL – Rebekka Deubner, Strip, Le BAL – Ulla von Brandenburg, la fenêtre s’ouvre comme une orange, Fondation d’entreprise Pernod Ricard – jour de naissance – flâneries parisiennes – Daniel S. Milo, La survie des médiocres. Critique du darwinisme et du capitalisme. Gallimard 2024 – Le Riesling d’Olivier, Les Vins Pirouettes – ergonomie cycliste – (…) –

L’appel de la grande ville. Signal de migration, remonter le temps. Chimérique espoir d’aller modifier le passé, revenir sur le déroulé de sa vie, agir rétrospectivement sur le futur. Repenser sa naissance au monde.

Quelle aventure, s’extraire de sa terrasse, de la colline, du hameau où il s’est enchâssé! Pour « remonter » vers Paris, ça le prend impérieusement, à la manière du signal qui déclenche l’exode rituel des espèces migratrices. C’est l’approche du jour de sa naissance qui, confusément, impulse cet appel d’un voyage dans le temps, revenir en arrière, dans les plis matriciels du destin, essayer d’en modifier certains traits, agir a posteriori sur les choix effectués autrefois, à l’aveugle. Ou plus simplement, en se rapprochant des strates anciennes, en retrouver le sens, de plus en plus évaporé. Renouer avec un lieu fantasmé, très tôt, dès l’adolescence, investi de multiples rêves et projections, ensuite arpenté tant de fois, jungle de sollicitations culturelles, intellectuelles, sensuelles, formatrices. Durant des années, territoire de flâneries régulières et d’économie buissonnière délibérée, forcenée même, qui a modélisé sa cartographie sensible, forgé son attention aux symboliques ambiantes. Lieu d’espérance, de possibles diffus, de hasards et de bifurcations qu’il n’imaginait pas se produire ailleurs que dans cette grande trame parisienne, dense, décor idéal d’errance solitaire dans la foule, ressasser dans le bruit continu, murmurer dans l’agitation permanente, gamberger, monologuer les multiples hypothèses de son futur, profiler projet après projet, tirage de plans sur la comète, aiguiser le désir de les communiquer, épuiser les ressorts rhétoriques, traquer sa propre pédagogie du changement perpétuel, triomphant, sans cesse « se projeter dans ce qui n’existe pas » encore. 

Et allez, ouste, il s’extirpe de la stase cévenole, les premiers gestes sont les plus âpres, contre sa nature ! Rassembler un bagage sommaire, se représenter mentalement les différentes étapes du processus de déplacement, l’enchaînement des mouvements auquel s’astreindre, une fois mis en branle, hop, c’est parti, cahin-caha, un peu zombie, à vélo jusqu’au village, ranger la bécane chez le garagiste du coin, désœuvré, rejoindre au bistrot la permacultrice qui descend vendre ses légumes au marché de la ville, après un petit noir au comptoir, se caler entre les cageots, puis, en bas, sur un quai périphérique, près des grandes surfaces, poireauter à l’aubette du bus, et ensuite enchaîner, avec persévérance, bus, train. Voyage de nuit. Dans le train, entouré de personnes mi-éveillées, mi-endormies, absorbées dans leurs écrans ou leurs casques de réalité virtuelle. En ce qui le concerne, somnolence bercée par quelques rengaines-squelettes de Roscoe Mitchell, réécoutées quelques jours plus tôt, devenues obsédantes, sorte de mantra elliptique favorisant le retournement temporel progressif, par infimes rotations.

Félicité-e-s des Beaux-Arts de Paris. Technologie immersive vs médiation, contagion. Seul dans les salles. Plasticité inattendue de matériaux de récupération, frontière floue entre animé et inanomé. Des intérieurs, des intimités, des chambres à soi, illuminés par l’aube du Tout-Monde.

Une fois débarqué, traîner, revoir les rues connues, humer, épars, ce qu’il a été, ici. Mais, à sa grande surprise, fendre la foule téléguidée par ses écrans ou longer les terrasses des cafés remplie de gens quasiment tous équipés de leur casque de réalité virtuelle, « ah ouais, quand même, ça ne s’est pas arrangé ». Il parvient à la Seine et s’engouffre dans l’exposition de jeunes diplômés-e-s des Beaux-Arts. Dans le hall de l’accueil, immense, de nombreux sofas et tables basses, la plupart des visiteurs sont attroupés là, affairés, silencieux, agités de gestes somnambules. Il lui faut du temps pour comprendre : ils-elles n’entreront pas physiquement dans l’espace d’exposition, ça ne semble plus l’usage, tous sont équipés de casques, ils-elles vont à la rencontre des œuvres virtuellement, via l’immersion technologique. C’est ce qu’est devenue la médiation culturelle. Incroyable. Effrayant. Il sera quasiment seul dans les salles à se présenter devant les œuvres nues, à l’ancienne ! En guise d’amorce, à la manière de ces sculptures monumentales placées sur des ronds-points, il admire l’expression d’une plasticité autonome, animale, que des matériaux de construction, d’une souplesse inattendue dans leur torsion, ont gagné et détournée au contact de l’humain, modifiant ainsi les frontières entre animé et inanimé (sculptures de Sofia Salazar Rosales). Dans un recoin, face aux peintures de Victor Pus-Perchaud, explorant la timidité face l’immensité, à travers la solitude dans un meublé miroitant, assoupi mais palpitant de ses fenêtres, objets patinés et jeux vidéos, il y a la reconstitution d’un espace intérieur – on dirait un coin squatté par quelqu’un vivant réellement dans l’expo –, savates et hauts-talons (en céramique) éparpillés, sofa où se recroqueviller, traversé de grandes aiguilles tatouant l’intime de différents héritages culturels, esquisse domestique d’un Tout-Monde épidermique, version poétique de la chambre à soi comme matrice de sacralisation du banal, de rêve terrestre revitalisé (Nina Jayasuriya). 

Félicité-e-s des Beaux-Arts de Paris. Frottis au Bic dans la matrice de l’informel. Membranes d’images passées, entre visible et invisible. Raconter ce qui n’est pas soi. Organologie associant rebuts, technologies détournées, déchets végétaux. Une chapelle où boivent les oiseaux.

Traquant dans sa production personnelle de photos, ou dans le trop-plein visuel qui défile, ce qui y apparaît comme « hors image », sans identité, manifestation de l’informe et de l’innommable que les photographes ne voient pas venir dans leur objectif, Elise Nguyen Quoc autopsie ces volumes et ces lignes sans signification, vagues, et pourtant indispensables au sens général de l’image. Alors qu’en général le cerveau guide la main qui dessine pour l’aider à copier ce qui est vu, elle déjoue ce mécanisme, ne cherche pas à mimer l’informe tel que révélé, mais demande à la main de débusquer la manière dont cette fibre brute surgit dans le psychisme, de nulle part, elle effectue des gestes et des manipulations qu’elle imagine correspondre à la cristallisation de ces rebuts iconiques, détails, superflus, angles morts du visuel. Elle se met à la place de l’informel, reflue vers un point de vue qui précède toute interprétation, fausse compagnie au réflexe de plaquer une signification préconçue sur tout ce que l’on voit et entend. Elle grave Bic sur bois, comme grattant une couche de cire sous laquelle devrait apparaître un message, un visage, un paysage, un plan, une trame explosive. Rien de prévisible. Calligraphie à l’arrache au fond d’une caverne aveugle. « De cette façon, alors peut-être, je pourrais rencontrer quelque chose qui n’est absolument pas moi ». Mais en elle. Ce qui souligne une tournure d’esprit tournant le dos aux priorités données à ce que l’on connaît déjà, au même que soi, à tout ce qui relève d’un « chez soi » bien séparé du différent.

Gabrielle Simonpietri récupère des écrans de sérigraphie usagés, abîmés. L’écran de sérigraphie, c’est un cadre et un tissu tendu, autrefois de la soie, à travers lequel transite la couleur qui va former l’image. C’est la membrane à travers laquelle l’image passe de l’invisible au visible, membrane accoucheuse. Elle récupère ces fantômes témoignant du trajet de l’image à travers le filtre qui les révèle, les assemble en patchwork, vaste rideau qui évoque des cabanes de toiles, fragiles, la cabane comme métaphore d’un imaginaire qui assemble et désassemble arbitrairement des canevas usagés, de passages. « De cette façon, alors peut-être, je pourrais rencontrer quelque chose qui n’est absolument pas moi ». Quelque chose d’antérieur au formatage de l’image. Pierre Mérigot confronte science et art, à la manière des insectes fabriquant leur milieu, il « orchestre un processus aller-retour entre le dessin, la nature, l’organique, le numérique et la machine, invitant à repenser notre interdépendance dans un monde où nous sommes autant cellule que rouage. » Il compose des tableaux à partir de déchets urbains, industriels, de rebuts végétaux, autant de « vestiges d’habitats » disparates et les agence sous forme de réseaux, archéologie d’organisations refoulées entre humains et non-humains, bifurcations pour réinvestir l’histoire des techniques vers des futurs autres que capitalistes. 

Il rêve et se recueille longtemps – il lui semble être là proche d’un nouveau point de migration – dans la pénombre où Louise Le Pape a déposé, taillés dans la pierre, des abreuvoirs à oiseaux, vides, accompagnés de runes gravées attestant d’une civilisation ornithologique effacée, tandis que l’espace est envahi, strié, tissé de sons d’écholocation de chauve-souris, chapelle où retrouver le sens d’une orientation, juste et interspéciste, au sein du vivant. De tout cela, parmi d’autres œuvres tout autant stimulantes, lui vient un puissant enthousiasme pour l’amplification du soin apporté au peu visible par la jeunesse artiste. Il se défoule alors sur les cordes de harpe tendues dans l’installation de bois flottés de Marc Lohner, symbole d’une forêt échouée dont les troncs et les branches résonnent des prosodies de tous les naufrages, passés, présents et à venir, rappelant qu’une société qui réprime les flux migratoires n’a rien compris à la vie sur terre et court à sa perte.

Il ressort de là, ragaillardi, rajeuni par la tonicité de la nouvelle génération, de ces nouveaux parcours qui démarrent, autant de pistes à suivre dans les années qui viennent. Pour lui, ça éveille plusieurs attentes, voir comment ces artistes vont évoluer, projection matricielle de lignes de désir, à venir. Par contre, accablé, effrayé, par le spectacle du public encasqué dans leur technologie d’immersion esthétique. Il s’éloigne en outre avec le sentiment d’un rituel accompli, fouillant sa mémoire : « quand était-ce, ma première fois voir les Félicités ? C’était Laurent Busine, curateur. » Peine perdue, il n’est plus copain avec les dates. Par contre, il y a toujours repéré des noms qu’il n’a cessé ensuite de suivre, Bertille Bak, par exemple, dont chaque nouvelle expo le réjouit. 

Flâneries. La digestion lente d’une exposition. Lumière des jasmins. Rencontre avec un vin Pirouette. Immersion en cuisine. L’ivresse emporte tout.

Il traîne la patte et s’en va déposer ses affaires à l’hôtel où, ayant acquis une prime de fidélité tout au long des années fastes, on lui réserve pour trois fois rien un cagibi avec un fauteuil-relax où étendre son sac de couchage, un évier, une toilette, sous les combles. Il aime revoir et papoter avec les préposé-es à la réception, le personnel d’entretien, toute l’équipe qui le reconnaît, est contente de sa visite. Ensuite, il repart dans les rues, à la recherche d’une enclave hors du temps, un méandre oublié, substituer la stase parisienne à la stase cévenole. Il s’enfonce entre vieilles maisons, logements sociaux, boutiques à l’abandon, ateliers marginaux d’industries créatives, infrastructures collectives, culturelles ou sportives, populaires. A un embranchement, il s’arrête, regard happé par des émulsions citron dans le gris, au loin, jaillissant des parois d’une cité grise. C’est le panache jaune de deux trois jasmins, lumineux, tellement encastrés dans l’artificialisation urbaine qu’ils semblent eux-mêmes postiches, plastiques. Il constate alors qu’il est au pied d’un arbre, toujours dénudé par l’hiver, où deux ouvriers sarclent la terre rare entre les racines, et où chante un merle, si fort qu’il le croirait amplifié, si archétypique qu’il ne l’avait pas capté (trop beau pour être vrai). Ah, toujours le merle ! Qui le resitue dans son lointain jardin, et dans plusieurs tissus textuels, dont le très beau « En invité » de Peter Kurzeck, où le narrateur ponctue le récit de ses cheminements francfortois en signalant, en cette période de mars, chaque merle rencontré. « Et donc les merles comme si nous étions présents avec eux quand ils sont arrivés chez les hommes. » (p361) Il suit l’envolée du merle et son regard s’arrête, en face, sur la devanture d’un vieux bistrot, tout à fait engageant. Allez, hop, il est temps de s’attabler, s’hydrater. Déjà, le voici épaté, réjoui, face au fameux blanc d’Alsace, plutôt orange, blanc de macération, Pirouettes, qui porte bien son nom. Retrouvailles inopinées, espérées, dans Pirouette se reflète de lointaines et bienfaisantes libations. Servi au fût, c’est l’impression d’une source inépuisable, en direct de la vigne. C’est frais, d’une couleur mélancolique, un peu trouble, légers arômes prunes et cannelles, raisin un peu fumé, complexe et franc à la fois, ça coule avec du corps et quelques cabrioles. Une ivresse ambrée le submerge lentement mais sûrement. Il largue les amarres. Plus de mots, plus de langage raisonné dans la tête, il sirote, feuillette le catalogue de l’exposition, confronte photos et textes à ce qu’il a vu, ressenti, enregistré. Il décante, digère l‘expérience esthétique. Ce qu’il a vu et retenu lentement se décompose, glisse dans les profondeurs, s’agrège au souvenir d’autres œuvres qui s’y trouvent déjà transformées en humus de l’imaginaire. Une couche de plus en plus épaisse. Vague, de plus en plus vague, il goûte le bien-être dans le rien, son regard plane autour d’une jeune américaine cambrée avec ostentation, seins nus pointés sous une maille transparente. Le temps passe, l’ambiance change autour de lui. Une équipe de jeunes cuistots et serveuses s’active à la préparation du dîner. Une tension joyeuse monte. La cuisine étant exigüe, ils-elles travaillent à même les tables du bistrot. Ca ressemble à un atelier participatif. Il entend que manque une petite main, malade. Des envies le prennent. De verre en verre, de fil en aiguille, il en vient à proposer ses services. Hésitation. Palabres. Allez, juste un peu, essayons. Il se retrouve à couper en fine mirepoix courges, panais, carottes, céleris. Hilare, dopé par Pirouette, pas bavard, concentré, juste des onomatopées, fondus dans l’atmosphère et les énergies centripètes de toute l’équipe. On lui demande de goûter, il se retrouve avec une assiette de légume en tempura à grignoter. Il assiste, dans un coin, au lancement du service, les premières tables. Pendant le coup de feu, il donne un coup de main pour débarrasser, plonger. Pirouette toujours, Pirouette après Pirouette. Il ne sait plus comment il regagne l’hôtel.

Jour de naissance. Adoration des vélos-fusées. Pourtant, le capitalisme pourrit tout avec l’invention pour l’invention, la nouveauté pour la nouveauté, toujours plus, sans autre fin que de produire et faire consommer, épuiser l’environnement. Mais, avec un vélo-fusée, on peut s’échapper !?

Il se réveille, ça y est, le jour de naissance. Il a hâte d’être dehors, de vivre cette journée en se laissant porter, curieux de tout, perméable, ouvert à tout. Tiens, voilà une boutique de vélos où il venait mater les derniers modèles et acheter des équipements. Il entre admirer les mécaniques rutilantes. Aux cimaises, des machines sidérantes. Déjà, à l’époque, « de son temps », avec son dernier vélo de pro, il lui semblait que l’aérodynamisme avait atteint ses limites. Et là, il constate que ça n’a cessé de se perfectionner, d’aller toujours plus loin, reflétant le délire incessant de la performance, exprimé dans le design. L’aliénation qui oblige à produire toujours du neuf, du « plus ». Ca confine quasiment au débile. Tyrannie de la nouveauté, de l’invention dernier cri, levure chimique du marché, consumériste. « L’innovation pour l’innovation est très prisée, et de nombreuses idées futiles sont écologiquement onéreuses. » Le capitalise justifie cette course à l’innovation par l’obligation de s’adapter à l’environnement changeant, par les mécanismes de la sélection naturelle. Il serait plus juste d’inverser cette logique mortifère : « si notre environnement change perpétuellement, c’est surtout à cause de la ferveur innovatrice » et de ses impacts destructeurs. Mais, il le reconnaît, même contrit, ça accouche de vélos magnifiques (pour lui), qui l’épatent, presque irréels, immatériels, épures ultimes. Ah, comme il aimerait s’affûter sur cette machine, faire corps avec une telle fusée, il se dit qu’il pourrait encore filer, limite immortel, défier le temps, infiltrer une autre dimension. Ces ergonomies semblent à même de propulser le corps qui s’y confie en d’insoupçonnées régénérescences.

Le BAL, célébration de celle d’où tout est parti. Roland Barthes rêve d’elle. Anri Sala, étudiant, filme-enquête sur la jeunesse idéaliste de sa mère, le désir de faire des enfants pour changer le monde.

Le soleil bouscule la fin d’hiver, et le voici devant la porte du BAL, regardant l’affiche de et lisant avec émotion le titre de l’exposition en cours « à partir d’elle ». Ca tombe bien. Lors de ce jour particulier, où chaque cellule se remémore d’où elle vient, il cherche toujours à rejoindre sa mère le matin où elle lui donna naissance, à imaginer comment elle passa les premières heures avec lui, son père avec elle, ses grands frères et sœur. C’est une expo qui avive les souvenirs d’être un né un jour de quelqu’un, qui déplient et racontent la naissance toujours continuée, non pas un jour et heure précise, mais quelque chose qui ne cesse de se produire, à travers le flux relationnel de celle qui enfante. C’est un ensemble de travaux d’artistes explorant la relation à leur mère, organisés en toile hétérogène autour des phrases de Roland Barthes dans « La chambre claire ». « « Car je rêve souvent d’elle (je ne rêve que d’elle), mais ce n’est jamais tout à fait elle : elle a parfois, dans le rêve, quelque chose d’un peu déplacé, d’excessif : par exemple, enjouée, ou désinvolte – ce qu’elle n’était jamais ; ou encore, je sais que c’est elle, mais je ne vois pas ses traits (mais voit-on, en rêve, ou sait-on ?) : je rêve d’elle, je ne la rêve pas. » (Catalogue d’exposition) Il est vite happé par la vidéo d’Anri Sala. Encore étudiant, et à partir de films d’archives sans son où il découvre sa mère, il enquête sur son engagement au sein de la Jeunesse Albanaises, vouant un culte au dictateur, il reconstitue le contexte, confronte sa mère à cette scène d’un vaste congrès où on la voit prendre la parole. (Il s’acharne un peu sur la dimension « compromission » de la jeunesse passée, lui qui aujourd’hui n’a aucun état d’âme à investir la Bourse de commerce !) C’est un film touchant sur le choc, un peu universel, entre cynisme d’un régime et pureté idéaliste d’une adolescente. Mais lui, il rêve devant le film, à la magie de revoir sa propre mère, jeune, éclatante, animée du même désir, diffus, non militant, de faire advenir un monde meilleur pour tous et toutes. Ce désir de faire des enfants, transmettre le rêve d’un monde meilleur à une nouvelle génération. Comme il aimerait avoir les moyens de s’engager dans un film-enquête sur la jeunesse de sa mère, telle qu’elle était à vingt ans, rêveuse, amoureuse, habitée des ondes positives qu’elle avait envie de transmettre.

Le BAL, « à partir d’elle ». Rebekka Deubner, les vêtements de sa mère, vues aériennes de l’arrière-pays maternel. Présence de la morte. Forêt de tissus. Larmes.

Il est surtout bouleversé par les photomontages de Rebekka Deubner. Son jeu de passe-passe, cache-cache, avec les vêtements de sa mère défunte, manipulations tendres, à l’affût du frisson sacré, effets de revenance, manipulations bousculant le non-dit de l’absence. L’ensemble est intitulé « strip », strip d’elle s’habillant et se déshabillant de sa mère, mais où le mot « strip » en évoque un autre, « spirit ». Les vêtements portent la marque du corps qu’ils ont habillé, une usure raffinée qui semble un ajout plutôt qu’une perte de substance, l’empreinte de l’âme, une buée encore tiède dans les fibres textiles. Une patine trouble des teintures et des trames. En touchant ces habits, elle frôle la disparue, elle palpe ce qui l’attachait à elle et qui correspond à l’incommensurable de la mère, tout ce qu’on ne saura jamais sur sa mère et en assure le rayonnement surnaturel. Ces vêtements, elle les pose sur du papier sensible. Ils sont pliés ou dépliés, panoramiques ou détaillés, mis en scène, de manière à faire ressortir les caractéristiques qui font qu’ils sont encrés dans la mémoire. Une encolure, une échancrure, des boutonnières, des manches, des poignets, un cordon, une agrafe, un liséré, des bretelles, une épaule, une jambe, une couture, une ligne brodée, des motifs parsemés comme fines fleurs de champs ou de rares labours géométriques, des gazes translucides, des façons de voler autour ou d’épouser les formes au plus près. Toute une syntaxe poétique de l’absence et de la présence. Elle manipule les reliques avec des gestes de réanimation, qui ramènent l’inerte à la vie. Ensuite, elle les balaie de lumière comme pour les scanner, les passer au rayon X, voir ce qu’ils cachent, activer, débusquer les particules fantomatiques qui y prolifèrent. Cela donne autant de « saint suaire » parcellaires, de parties corporelles réincarnées dans de l’aérien, différentes strates géologiques de l’immatérialité maternelle. Autant d’images spectrales qui cartographient en icônes l’attachement cosmologique à sa mère. Cela évoque des matières oniriques, contours d’organes imaginaires, hybrides, où se joignent l’entité mère et l’entité fille. Un nuancier enchanté d’un au-delà apaisant, commun. La traduction graphique de ce qui s’imprime en elle chaque fois que ses mains touchent plongent dans ces étoffes intimes, la cherchant. C’est une collection de vues aériennes de l’arrière-pays maternel, là, soudain, si réel, réellement révélé, et décidément radicalement inaccessible. Cette inaccessibilité frustrante qui pousse d’autre part l’artiste à la performance filmée où elle enfile un à un, effectuant une infinité de gestes rituels, de réincarnation, les vêtements maternels, couche sur couche, où elle s’enfouit sous leur accumulation, terrier de pelures parfumées, habitées, amoncellement de doudous, sculpture matricielle. Dans la publication reprenant la série des photogrammes, ces mots magnifiques de Juliette Rousseau : « La mort est absence, l’étoffe est présence. La mort est présence, l’étoffe de la mort est absence. Au carrefour de tes étoffes mon corps sait ce qu’il sent, sent qu’il sait : tes vêtements disent que tu n’es plus là mais que tu l’as été, mon corps dit que tu n’es plus là mais que tu l’es encore. La matière de tes tissus fait forêt.»

Tout au long de l’exposition, les œuvres l’aident à imaginer ce qu’aurait pu être sa relation avec sa mère si elle avait vécu, si il avait eu le temps de la connaître. Cela l’apaise et en même temps, exacerbe sa mélancolie, à la limite du supportable et des larmes. Elles montèrent devant les grands portraits en lévitation, tenus à rien, ondulant faiblement au gré d’une respiration de plus en plus ténue, vielle dame paisible assoupie, regardée et photographiée par son fils, Paul Graham, sidéré et recueilli, plein d’amour, face au glissement inéluctable, progressif, dans le dernier sommeil, l’adieu.

Retrouvailles avec les voiles peintes d’Ulla von Brandeburg. Venues des étoiles, une yourte enchantée, posée dans le vide. Un vide qui travaille, où fermente de l’espoir.

Les yeux brouillés, sans âge, vieux mais toujours gamin près de sa mère, il s’éloigne dans la rue d’Amsterdam, aveuglante de soleil, c’est aller sans voir vers quoi il marche, vers un point où tout est fusion. Marcher sans se rendre compte qu’il marche. Léviter. N’est-ce pas dans cette rue qu’a habité Jacques Roubaud ? Il arrive à la Fondation Ricard, mon dieu, encore un bâtiment amiral, ostentatoire, plein de fric. Pas écrasant, pourtant, reconnaît-il, une certaine légèreté, une façade même pleine de fraîcheur ! N’empêche, ces théâtres du pouvoir du fric, dans leur rôle de temple de l’art contemporain, prive celui-ci de toute force subversive, de toute chance de peser sur un changement d’imaginaire sociétal Il vient y voir une nouvelle installation d’Ulla von Brandenburg. C’est aussi rituel. Il a toujours essayé de voir ses nouveautés depuis la découverte qu’il en fit en 2009 au Frac/Ile de France (« Name of number »). Jusqu’à l’exposition incroyable confinée en 2020 au Palais de Tokyo. Depuis, il y a du « ulla von brandeburg » en lui, la façon dont, avec ses toiles peintes, elle métamorphose le vide en poumon vital, délimite un espace où, des coulisses du néant, se trame « quelque chose » de palpable, est intégré à ses modes de sentir et de penser. Il retourne voir la continuation du récit de la scène vacante, flottante entre les toiles du possible, non pas en attente de quelque chose de neuf, de nouveau, mais pour la continuation, la constance et la permanence, pour entretenir « l’organe ulla von brandeburg » désormais enchâssé dans son métabolisme, en aiguiser les facultés divinatoires face au passé, au futur. Dans sa pulsion monologuiste, tenace, à se dire toutes les formes désirées du futur, comme il égrènerait un chapelet, le mode opératoire de ces voilages peints, intériorisé, est pour lui fondamentale. Une théâtralisation de la page blanche, une scénographie de l’apparition, qui organise la circulation entre différents chambres vierges où accoucher ce qui vient, réécrire ce qui a eu lieu, réviser sa mémoire, trier. Les toiles peintes et leurs cordages, ménageant passages et fermetures, invitant à se faufiler entre les membranes, installent une envie d’appareiller en toute intériorité. Le dédale matriciel des rideaux colorés métaphorise un vers d’Apollinaire, « la fenêtre s’ouvre comme une orange ». Il y déambule dans cette fenêtre épluchée, dans ce flot de vitamine, dans cette orange juteuse. A l’intérieur, différentes petites scènes remontent de l’abîme,  s’animent sur des écrans. Des scénettes jouées en boucle. Pour l’éternité. Des chorégraphies infimes qui font tenir l’ensemble. Des personnages circassiens effectuent des tours de magie. Ils ont ces affectations d’êtres capables de maîtriser disparition et réapparition, de s’éclipser et de revenir, identiques ou métamorphosés. En montrant tout, bien qu’escamotant le « truc ». Ils jouent avec les voilages d’Ulla von Brandenburg. Ils en font ressortir la dimension hypnotique, la faculté de bouleverser nos relations aux formes et couleurs, de faire vaciller vers d’autres dimensions du vivre, de rendre visible ou invisible. Ou ils s’échangent sans fin une série d’objets symboliques, orchestrant une circulation de valeurs occultes, oniriques, révélant au cœur des choses, une économie de l’immatériel, du non rationnel, en lieu et place de l’économie marchande et de la mathématisation absolue du vivant. Ils révèlent l’arbitraire de tout arcane économique, monde d’illusion dont on peut s’éveiller. Ces vidéos, pourtant réalisées par l’artiste, donnent l’impression d’être des archives très anciennes, exhumées par hasard, transmettant par le visuel suggestif, une série de savoirs reniés, censurés par la modernité et dont le besoin se fait cruellement sentir face à l’inhabitabilité croissante de la planète. L’organisation des vastes toiles peinturlurées, en une géométrie cabalistique, facilite le cheminement et les retrouvailles avec ces savoirs intuitifs, ancestraux, et qui soignent, brillent comme l’étoile du berger, indique à chacun-e des routes salutaires à inventer, tracer selon sa sensibilité. Des chapelles nomades – air de famille avec des entrailles de yourtes – radieuses d’espoir interstitiel.

Déstabilisé par toutes les émotions esthétiques. Attendre que le corps les absorbe. Tête de veau et rouge de Loire. Brasserie pleine de fantômes du XIXème. Matrice continue de ses lectures de jeunesse qui continuent à déterminer son appareil sensible.

Il est comble. Il a fait le plein d’émotions esthétiques, de nouvelles images. Il trottine  fourbu, longuement, s’assied sur un banc dans un square. Écoute, regarde, vague. Ne pense à rien. Il digère. Somnole. Le jour décline déjà. Il repart fourbu, lent. Il a sorti un vieux plan de Paris, en papier. Alors que les milliers de touristes s’orientent autour de lui grâce à leur casque connecté. Il multiplie les pauses café noir. Se reconstitue, remonte la pente. Le soir tombe. Il échoue finalement dans une vieille brasserie, décor inchangé depuis 1854, 11 ans avant la mort de Baudelaire. Bien assis sur la banquette, il s’abîme dans la contemplation de la vaisselle sans âge, de la serviette blanche épaisse, des couverts en argent, aux confins du paysage et du monochrome, blason figuratif sous la neige, horizon qui lui procure un bien-être fou, la sensation d’un confort immense. Un foyer. Un centre. Sa soif de vin rouge de Loire est immense, tyrannique, le sommelier, prévenant, le comprend à merveille, il a tout ce qu’il faut. Alors, il s’abandonne aux substrats littéraires qui hantent sa mémoire (et même ce qu’il y a en dessous de celle-ci, l’innommable, l’informe tel que le gratte au BIC la jeune Félicitée Nguyen Quoc), en pagaille, vestiges des auteurs du XIXème qu’il dévorait inlassablement dans sa jeunesse, des plus connus aux plus obscurs (ce qui, bien plus tard, lui permit de comprendre plus facilement la notion de « champ littéraire » de Bourdieu). Un autre aspect de la matrice qui l’enfante, toujours, jour après jour, dieu sait combien de ses synapses se sont établies en fonction de ces lectures (au gré des empathies ou aversion pour les personnages, les situations, les spécificités stylistiques, au fil des efforts produits pour saisir le monde décrit, exploré, les règles de vie d’une autre époque) !? Il se plaît à en imaginer auteurs et protagonistes évoluer dans le décor où il se trouve, se livrant à de vagues pratiques spirites, attendant avec une impatience douce l’arrivée de la cocotte noire au fumet venu tout droit de la cuisine lointaine de sa grand-mère, une tête de veau, cervelle comprise, plat traditionnel inspirant de nombreuses confréries, évoqué par Flaubert dans L’Éducation sentimentale, dont Alexandre Dumas consigna une grande variété de préparations. Ca y est, il touche au but, son jour de naissance n’a plus de fin, se perd dans la nuit, ses lustres, ses miroirs, il patauge avec bonheur dans l’indistinction de ce qui fut, de ce qui vient, de ce qui est, « s’efforçant juste de persévérer dans son être », comme disait l’autre.

Pierre Hemptinne

Diapasons et cadenas, consensus et camouflage (avec Roms et Bertille Back).

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Fil narratif de médiation culturelle à partir de : Les cadenas d’amour du Pont des Arts – Bertille Back, Transports à dos d’hommes – Loris Gréaud, Tainted Love – Une musique de Lee Rabalado – Jacques Rancière, La méthode de l’égalité, Bayard, 2012.

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Le commerce amoureux cadenassé au Pont des Arts. Les cadenas d’amour recyclés dans un commerce parallèle. Poésie des transferts.

La première image de Transports à dos d’hommes de Bertille Bak fixe les cadenas pullulant sur les grillages du Pont des Arts. Enfin, fixe, façon de parler, il y a plein de choses qui bougent et frétillent dans le cadre (du moins dans le souvenir que j’entretiens de cette image) : des rubans effilochés, des brins de colifichets, des restes de fleurs artificielles, des écritures tremblées, comme pour rappeler la dimension de courant d’air de ce que sont supposés maintenir soudé les cadenas. Et surtout, en plongée, l’eau de la Seine qui avale et emporte les clés de tous ces fermoirs amoureux, dans ses courants et ses vases. L’eau complice de la fermeture et gage d’oubli de ce qui est ainsi symboliquement scellé, car à force de passer sous le pont, elle finira par rincer les promesses, emporter la clé ailleurs, déplacer les illusions, ronger et rouiller l’anneau qui amarre l’un à l’autre les amoureux. C’est confier la clé du serment d’amour et fidélité au fleuve dont la musique et le flux ruissellent vers l’oubli. Même si le rituel peut sembler bête, sa répétition, sa multitude, la quantité des cadenas accrochés aux grilles impressionne, gagne un statut plastique qui interpelle, qui donne forme et visibilité, quoi que l’on puisse dire, au désir d’y croire, à l’espoir de conjurer l’effet dissolvant du temps qui passe. Après ce plan générique, nous pénétrons un campement gitan, installé en périphérie parisienne, entre autoroute et voie ferrée, comme souvent, sur quelques pelouses ingrates, des lieux inhospitaliers, sous la surveillance continue du trafic, des véhicules pressés et de leurs passagers, espaces quadrillés par les phares. En permanence immergé dans le bruit des déplacements, des moteurs, des klaxons, des rails. Une bande son de la relative nomadisation quotidienne des automobilistes. Il fait clair et des enfants, debout devant une table, manipulent et mesurent des masses d’objets, évoquant certaines toiles classiques représentant le pesage de l’or. La caméra s’approche pour que nous en ayons le cœur net. Les deux gamins sont occupés à recycler un lot de cadenas du Pont des Arts – la serrure forcée ou l’anse cassée – désormais libérés de la charge du serment amoureux. Les inscriptions, les coeurs gribouillés, les prénoms réunis, les dates symboliques manuscrites, tout cela soudain vide de sens. Les cadenas n’ont plus aucune charge sentimentale, ils ont été désenvoûtés, empoignés, entassés comme de la vulgaire mitraille. Pour les gosses, c’est une affaire juteuse, du bon métal à revendre au poids. Comme tout est bien organisé, malgré l’apparence de nonchalance, un aîné passe prendre livraison de leur récolte, la transaction étant vite expédiée, routinière.

Le regard de Bertille Bak est artiste avant d’être anthropologue. Il engage des fables qui « font marcher » et débusque les automatismes dominants, normatifs. Poésie contre les logiques actuelles de la police.

Attention, il ne s’agit pas d’un documentaire, mais d’une oeuvre de Bertille Bak qui pratique l’immersion ethnographique en règle dans diverses communautés faisant l’objet, le plus souvent, d’une certaine stigmatisation. Une fois admise à l’intérieur du groupe, elle n’en tire pas autorité pour décrire ce qui est, mais utilise la confiance instaurée pour s’infiltrer dans les scénarios du quotidien, les rituels qui font tenir ensemble la communauté et souvent sont considérés comme justifiant la stigmatisation. Et elle s’emploie à les faire bouger, elle les expérimente plastiquement, les réécrivant sous forme de variations, de détournement de sens, se situant exactement à la frontière où le regard jugeant de l’extérieur vient rencontrer la matière du cliché, avec lequel, sous conditionnement, activant le germe du stéréotype, il refabrique la caricature et renforce son à priori. Elle tend alors une scène, en miroir, qui flatte l’anthropologie du regard dominant sur ces communautés, scène inventée mais qui peut passer comme une persistance ethnique confortant les valeurs discriminatoires. C’est peu à peu que ce regard blanc consensuel est pris de doute et constate la dimension de fabulation qui le fait marcher. C’est joué assez subtilement au point que ce que l’on considère comme le grand public, dont je fais partie, placé devant ces œuvres, se découvre inévitablement partie prenante d’une méfiance à l’égard de ces gens-là, tout en le niant, se réfugiant derrière une sorte de bon sens commun qui disculpe, décomplexe, comme dirait une certaine jeune droite agressive. Imprégnés malgré soi de ces jugements banals sur les Roms, bien des spectateurs, je pense, seront pris entre deux feux, hésitant entre l’apparence de documentaire qui appuie les préjugés et l’intention fictionnelle, humoristique et critique, qui sape sans en avoir l’air les considérations automatiques. Et ce décalage dont joue artistiquement Bertille Back nous fait prendre conscience, à des degrés divers j’imagine, de notre collaboration par défaut à ce racisme ordinaire. Par le fait même de l’impuissance à participer à une opposition collective au traitement infligé aux Roms, au consensus comme ordre policier dont parle Jacques Rancière, nous validons souvent muettement les rapports d’autorité discriminatoire exercés sur certaines minorités : « Le consensus, c’est la mise en place progressive de cette pratique gouvernementale, et de cette représentation du monde commun qui en majore l’opacité à ceux qui y participent, à la fois la nécessité d’un gouvernement d’experts, et la nécessité d’être constamment mis en possession des clés de ce qui se passe. C’est ce que l’on peut définir comme le cœur de la logique actuelle de la police avec le fait que cette logique actuelle construit des images extrêmement importantes et refoule toute une série de populations, de formes de résistance qui sont de plus en plus marginalisées. D’une certaine façon, l’ordre policier se construit de plus en plus comme quelque chose à quoi il n’existe pas de réponse collective, par rapport à quoi il ne peut donc y avoir que des déplacements et des dérives individuelles. L’ordre policier se construit comme ce qui n’a plus en face de soi d’instances conflictuelles au sens de légitimées par l’analyse des situations, mais seulement des actes erratiques, maladifs, criminels et autres. L’achèvement de l’ordre policier est le fait que tout ce qui n’est pas pris dans le système devient une affaire de marginalité, de migration, de pathologie, de délinquance, de terrorisme et ainsi de suite. » (Jacques Rancière, La méthode de l’égalité, Bayard, 2012).

Elle s’immerge dans la communauté et construit avec elle les fils frictionnels de ses vidéos. Ils racontent ensemble. Dans une écriture qui cherche à maintenir désirables les narratifs subversifs. De la pratique cacophonique des Roms.

Sa manière de s’implanter dans le quotidien des communautés avec lesquelles elle a le projet de réaliser un film conduit Bertille Back à considérer ce dont est fait ce quotidien comme matériau esthétique et elle invite alors les personnes qui produisent ce matériau et sont produites par lui de jouer avec, à construire une fiction qui raconte leur réalité, intégrant des accents de ce réel « vu par d’autres ». De la sorte, elle leur « propose d’autres modes de visibilité » (J. Rancière) et les dote de la capacité de produire eux-mêmes d’autres modalités du visible. Et ça fait mouche parce qu’en regardant ce film, subversif sous ses dehors gentils, on se sent pris en faute, ce qui réactive le désir d’aborder autrement toute la problématique des gens du voyage. Reprendre à zéro, évacuer le contentieux inconscient. On peut en dire ce que le même philosophe dit de son travail d’écriture : « Ce qui traverse tous mes écrits, c’est tout de même de maintenir la désirabilité de ces états de subversion globale des relations d’autorité et de tous les systèmes de représentation qui rendent ces rapports d’autorité acceptables, normaux ou inéluctables ». (J. Rancière) C’est à cela que contribuent les « autres manières de voir » que les artistes élaborent. Dans Transports à dos d’hommes, plusieurs fois nous nous trouvons de l’autre côté du miroir. Souvent, dans les grandes villes, le rapport aux Roms, s’effectue par la musique et dans le métro. Non pas la musique Roms, mais celle qu’ils jouent avec l’intention de complaire, s’imaginant que c’est celle-là que les voyageurs ne peuvent refuser d’entendre, toujours les mêmes scies, les mêmes rengaines sentimentales. Jusqu’à la nausée. Caricature des rengaines musicales des cultures non Roms. Ne produisent-ils pas, finalement, la critique de notre inconscient chansonnier ? Toujours est-il que ces airs mitonnés à la Rom – ces scies qu’en tout cas moi j’aimerais oublier, effacer – font irruption, étrangers, dans le bruissement souterrain des villes, dans les entrailles bruyantes du métro. Un boucan coutumier, presque amniotique dont ces interventions exagèrent la composante cacophonique, à moins qu’elles ne parviennent à tout couvrir, cela variant selon la subjectivité des oreilles parmi lesquelles tombent ces bouts d’accordéon et de tambourin (ou de boîte à rythmes).

Le design sonore du métro. L’empreinte bruitiste des trajets, des différentes stations. L’irruption des musiciens gitans. Instauration d’un dehors et dedans communautaires, identitaires.

Même s’il est fatigant et que quelques fois il nous semble à nouveau insupportable, le bruit du métro nous est familier, nous enveloppe comme un ronron agréable, la preuve que nous sommes bien dedans, transportés. C’est un design sonore presque rassurant, fait de frottements, d’injonctions électriques exprimant des tractions, des glissements lents ou rapides, des freinages souples ou saccadés, mais toujours dans une continuité, démonstration d’une administration efficace de la mobilité. La pulsation des portes qui s’ouvrent et se ferment, inspirations et expirations conclues par des claquements, ponctuées par une sonnerie et des annonces fantômes. Tout une symbolique sonore que nos corps respectent, s’y conforment. Et puis, ce que produisent les voyageurs, les pas dans les couloirs, sur les quais, les frottements entre sacs et épaules, le transit calme ou bousculé des corps dans la mécanique des escalators, les voix surtout, les paroles, comme un essaim qui se compose, se décompose, est déporté par fourgons entiers, se déverse et se recompose ailleurs, mélangé à d’autres essaims. Un brouillard de murmures qui agrège, désagrège, agrège. Un design sonore qui trace des flux sensibles au gré des noms des stations qui deviennent quasiment des lieux utopiques, ailleurs, en tout cas différents de leur vis-à-vis, portant le même nom, à la surface. Des trajets sensibles et poétiques que suggère Bertille Back en récupérant ces anciens équipements qui permettaient, en appuyant sur un bouton portant l’intitulé du lieu où l’on entrait dans le métro et un autre symbolisant celui où l’on espérait en sortir, de voir apparaître en points de lumière, le trajet à accomplir, sur la carte de l’ensemble des lignes souterraines. En sus des lumières, l’artiste donne à entendre l’atmosphère sonore de chaque station. Elle confie de la sorte aux sons ambiants une capacité fictionnelle qui leur est rarement reconnue. Et c’est dans ces cocons wagons bruyants du nomadisme métropolitain que surgissent les musiciens Roms, nous rappelant à chaque fois que nous sommes dedans et eux dehors, dans ces allers et venues qui nous conduisent à notre travail ou nous permettent de vivre au mieux notre tourisme, car le tourisme, c’est bien connu, est bien prioritairement une activité de sédentaires, les gens du voyage en étant par définition exclus. Cette délimitation d’un dedans et d’un dehors communautaire, sinueuse, tortueuse est un des ressorts sournois du racisme. (Et je sais que, lorsque cette limite concerne la proximité avec le territoire gitan, je dois être particulièrement vigilant, car du ressentiment personnel ne manque pas de vicier mes réactions, ayant été avec un ami, du temps de l’âge d’or de l’auto-stop, en quelque sorte kidnappés et emmenés dans un camp romanichel pour y être proprement intimidés et dévalisés à l’insu de notre plein gré !)

Changement de décors quand les Roms jouent leur musique. Cachés dans une caravane. Important à l’intérieur de leur abris, les sons enregistrés du métro, comme bruit de fond, trame de leur musique. Dialectique de l’intérieur et de l’extérieur, dehors dedans. Et superbe scène de camouflage.

Mais ensuite, heureusement, Bertille Back renverse la perspective et nous montre un groupe de musiciens Roms qui se réunissent dans une caravane démontable, vite pliée et vite reconstruite. Il ne suffit plus de se déplacer, d’accrocher la caravane à une voiture pour migrer vers un autre parking, un autre terrain vague, il faut pouvoir littéralement disparaître. En même temps, on assiste à l’exercice de l’installation de la caravane, comme au montage d’un décor stéréotypé, attendus par les spectateurs. Une fois rassemblés, ils répètent leur répertoire non sans diffuser, pour s’accompagner, et comme une manière de se donner le la, des fields recording de stations de métro. C’est la bande-son qui leur est devenue indispensable à jouer, tellement leurs talents musicaux s’en sont imprégnés comme trame inspirante et tissu sensible de partage avec leurs auditeurs pris en otage, s’exerçant à jouer en fonction des bruits de fond, à se mettre en accord, au diapason, ou à cultiver un subtil désaccord, dedans tout en restant dehors. Et on nous montre comment un bruit de dedans, transposé dans un autre contexte, devient une rumeur du lointain extérieur que d’autres sensibilités s’emploient à intégrer, infiltrer, assimiler, hybridifier. cela relevant déjà, alors, de l’art du camouflage préfigurant la fin de la vidéo où Bertille Back orchestre une magnifique opération d’occultation et d’offuscation du camp des Roms. Elle a supervisé la confection de grandes bâches de camouflage pour recouvrir les roulottes et elle filme leur déploiement, exécuté presque militairement. Jusqu’à ce que le camp ne soit plus identifiable. De fait, que ce soit du train qui passe sur sa voie surélevée, ou des voitures qui défilent sur le périphérique, on ne voit plus rien. Où sont-ils passés ? Il y a encore une heure, hier, ils étaient là, et d’un coup plus rien !? De quoi affoler le fantasme quant à la volatilité diabolique des Roms. Ils sont à l’intérieur, regroupés, lisant, tricotant, jouant aux cartes, regardant la télévision, racontant à l’ombre. Par similitude, on ne peut que penser à ces scènes où, chez nous, on s’entassait dans des abris au sous-sol pour se rendre invisibles et surtout se protéger des attaques nocturnes d’ennemis envahisseurs, de prédateurs. Là aussi, la vidéo engage une inversion : nous sommes les prédateurs pour cette communauté contrainte de se camoufler, se soustraire à notre regard panoptique, pour vivre tranquille. Une des bâches de camouflage est exposée, enroulée contre le mur. Il serait intéressant et savoureux de voir et entendre les palabres préparatoires à ces opérations, qui installent la complicité entre Roms et Bertille Back, de mieux comprendre le travail de terrain, l’investissement consenti pour dévoiler la dimension politique d’une situation surexposée et donc cachée, via le régime esthétique. Travail sur le terrain et à même le réel dont se chargent de plus en plus d’artistes. « La première fois que j’ai entendu parler « d’extraordinary rendition », c’était par une conférence performance de Walid Raad à Beyrouth. Je n’en avais jamais entendu parler. Des artistes vont un peu partout sur le terrain, sur des modes plus ou moins militants, documentaires ou plus sophistiqués pour nous décrire autrement les situations qui sont par ailleurs l’objet d’un cadrage médiatique ou pour nous parler de situations qui tombent hors de ce cadrage. (…) L’important est dans ces opérations de reconfiguration : faire voir des choses qu’on ne voyait pas, déplacer la manière dont les corps sont présents et représentés en face de nous, dont leur puissance ou leur impuissance sont mises en scène. » (J. Rancière)

Autre manière de récupérer la dimension spirituelle des cadenas d’amour : les fracturer, les fondre, les couler en sculptures suggérant la plasticité narrative de couples singuliers

Mais, petit retour en arrière, au moment de l’image fixe des cadenas qui ouvre le film. Je me suis alors souvenu avoir vu récemment une installation qui exploitait le même matériau. Il m’a fallu quelques minutes (la durée d’une première projection de Transports à dos d’hommes) avant de me rappeler qu’il s’agissait de Tainted Love de Loris Gréaud, à la Galerie Yvon Lambert. Et si l’on imagine mal l’artiste mener une expédition nocturne au Pont des Arts avec une pince, il est probable qu’il ait acheté un lot de cadenas, directement ou via recel, aux gitans du film de Bertille Back ! Ces cadenas, il les fond et en tire une série de sculptures constructivistes (c’est le terme officiel que j’ai rencontré dans plusieurs commentaires). Certains considèrent que l’origine du matériau n’a aucune importance et que les sculptures valent en elles-mêmes, sans contexte particulier (toujours ce parti pris de défendre une zone de transcendance où l’art s’auto-engendre). Si l’on embrasse ce parti pris, effectivement, on peut considérer que les sculptures ne sont pas dépourvues d’une certaine beauté, alignées sur leurs socles, enfermées sous leur cube transparent, représentant une sorte de n’importe quoi, superbement intrigante et stérile. Si je les inscris dans la narration qui valide d’une manière ou d’une autre l’origine du matériau – les cadenas d’amour, le serment que l’on scelle en liguant mécanisme et symbolisme, en espérant la longévité de la félicité amoureuse – alors les sculptures sont objets de fiction. Et de les avoir observées sous cet angle, fossiles de fusion maintenus comme des paillettes en atmosphère stérile, attendant leur réincarnation dans d’autres serments, une pelote narrative dévide lentement son fil dans l’imaginaire, même longtemps après, et ces pièces sculptées ne cessent de raconter. Il n’est alors pas indifférent que ces n’importe quoi proviennent d’une démarche incluant de fracturer les cadenas, violenter et rompre la symbolique des serments soudés et individualisé, chaque cadenas représentant un couple bien distinct des autres. Si la croyance de sceller en un endroit consacré un objet garant de l’union amoureuse est réelle, le descellement de ces objets de garantie aurait pour conséquence de rouvrir le jeu, de délier tous les serments, d’ouvrir grandes les portes d’accès à tous ses cœurs engagés, rebattre toutes les cartes des coups de foudre. Pour réaliser ses sculptures, ensuite, les cadenas ont été fondus ensemble à haute température, les histoires singulières qu’ils maintenaient closes en boucles hermétiques se coulant dans l’indistinction de la grande fusion matérielle.

Sculptures de l’informe amoureux, des serments fugaces. Baignant dans la musique de Lee Ranaldo, le timbre magique de cadenas qui s’ouvrent, de serments qui se rompent d’eux-mêmes, submergés aussitôt de possibles jusque-là refoulés

Les sculptures sont le multiple d’un même informe, les répliques d’une pièce intérieure, viscérale, cardiaque, commune à toute construction amoureuse, variant juste au niveau des proportions et des contours, le genre d’outil organique qui, bien qu’invisible, tient les choses ensemble. C’est sa corporéité, l’énergie qu’il dégage comme une dynamo fonctionnant par friction entre tiges, qui porte les affinités électives vers le haut de la chair et de l’esprit, soutient l’élan, assemble les petites transcendances. Je pense à la fonction fusionnelle de ces fers en acier qui structurent le béton armé. Ou à ces tiges filetées qui rendent solidaires plusieurs blocs ou panneaux de constructions. Des fagots de traits d’union mécaniques pris l’un dans l’autre, éprouvés, tordus par les épreuves, limés par l’adversité, entaillés, ayant encaissé des chocs, décentrés et finalement, enrayés. Autant de pièces motrices, axes d’articulation, arbres à cames scratchés, fondus, enrayés, images de bobines électriques, liant deux corps, et deux âmes, et qui se rompent, explosent en plein sublime désertique, raides, en panne. Les traits d’union phasmes, après le temps du mimétisme, se sont phagocytés, bouffés l’un l’autre, se désolidarisent. (Contrairement au rendu photographique amateur, l’ensemble est exposé dans une lumière crue, en une crypte clinique.) L’ensemble baigne dans un son cristallin, une harmonique magnétique qui vibre entre les cellules du vivant illuminé d’amour, crissantes de désir, un son d’emblée proche de la rupture aussi, de l’acouphène céleste qui rend fou, celui d’un diapason partagé qui tinterait de manière absolue, avant d’inévitablement se différencier en strates et rubans inconciliables. C’est l’écho sidéral du choc entre silence total et premier bruit. Rencontre spectrale, collision entre néant et cri de reconnaissance, hystérique. Il a été produit dans la chambre anéchoïque de l’Ircam et capturé, enregistré par Lee Ranaldo. C’est exactement le timbre magique d’un cadenas qui s’ouvre, d’un serment qui se rompt de lui-même, libéré et submergé aussitôt de possibles jusque-là refoulés, chant de sirènes qui tournoie en une seule onde suraiguë, une équivalence neutre, diabolique, entre perte et délivrance, qui égare l’ouïe et effraie les sens. L’équivalent de l’eau vive dans le plan fixe de Bertille Back.

(Pierre Hemptinne)

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Bertille Back

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Beaux-arts, fraîcheurs félicitées

« Dix-7 en Zéro-7« , l’exposition des derniers diplômés de l’Ecole Nationale Supérieure des beaux-arts de Paris est fraîche et tonique. Pleine d’espoirs par la diversité des talents et l’aboutissement des travaux présentés. D’abord parce qu’il ne semble pas y avoir d’a priori quant aux techniques, il n’y a pas d’orientation dogmatique quant à l’esthétique. Les techniques sont résolument mixtes, la recherche du savoir-faire évidente, la sincérité et l’engagement sautent aux yeux. J’aime le titre du texte d’Isabelle Ewig, dans le catalogue: « Cette attention que l’on doit au monde… »! Qui rejoint bien la préoccupation première de « comment7 »!? Les peintures « acryliques sur coton noir » de Grégory Derenne frappent d’emblée comme une capacité, par le médium choisi, à montrer autrement des éléments connus du décor événementiel urbain: lieux de fête, concerts, réceptions, plateaux de télé, juste après la tension dense et le tumulte superficiel, juste quand ça commence à s’éteindre, à retomber et que des traces de « profondeur » apparaissent.

Grégory Derenne

Grégory Derenne

 

 

 

 

 

 

 

 

Le travail photographique d’Anne Le Hénaff, qui cherche les passages entre reportage et esthétique, est basé sur de réelles rencontres. Ce n’est pas la pose, l’engagement est patent. La série « Les beautés du Val d’Ajol » à cet égard est remarquable dans son fonctionnement en diptyque: de vieilles personnes, saisies dans leur quotidien de maison de retraite, ensuite le portrait encadré et exposé dans un détail de la chambre, sur un meuble. Le grand format de Guillaume Bresson est impressionnant: entre l’esquisse floue et l’hyper-réalisme, proche du graphisme de certains jeux vidéos et l’esthétique des grandes compositions mouvementées  la Delacroix, un combat de rue tout ce qu’il y a de plus actuel.

 

Grégory Derrenne

Guillaume Bresson

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai adoré la chambre de Jean-Baptiste Akim Calistru, une collection d’objets, herbiers, scapulaires, insectes, oiseaux, terre relatant sa prise de contact avec une maison du village La Lande. Rencontre avec la mémoire des habitants, exploration de la nature…

L’installation de Benoît Piéron,  » Le bivouac », une tente et tous ses équipements pour s’embarquer dans une expédition de montagne se présente comme une séduisante « cosmogonie portative de tous les éléments nécessaires à un bon bivouac artistique.

 

 

 

 

 

 

 

La remarquable vidéo de Claire Glorieux qui met en scène de façon sensible, attentive, ludique et comme cherchant à y trouver des réponses à des questions fondamentales,  deux autistes, dans des décors réels ou « animés ». L’artiste, à propos des artistes autistes: « Elles sont comme un respiration, une alternative à notre mode de vie tourné vers la multiplication des expériences. Elles témoignent à leur insu d’une possibilité d’être autre… Elles occupent pour moi une place qui pourrait être similaire à celle qu’occupent les moines… ». Et aussi le film de Bertille Bak ou comment la population d’un  village minier du nord s’organise en résistance douce et inventive pour résister à l’uniformisation de l’habitat. Mieux que les « Ch’ti ». Enfin, tout est à voir.. Jusque 12 juillet 2008. 

Ce jour-là, c’était aussi « portes ouvertes » aux Beaux-Arts. Tout le bâtiment était ouvert, on circulait librement d’atelier en atelier, les élèves exposaient leurs travaux, fignolaient, donnaient le dernier coup de pinceau. Atmosphère détendue, joyeuse, « artiste », fourmillante d’idées, de recherches. Une radio libre diffusait un joyeux foutoir sonore, enfin. Des étudiantes sur le toit s’échinaient à dérouler des étoffes. Ca sentait bon les chapelles ouvertes: ici la peinture, là les manifestations conceptuelles, les installations ludiques, le reflet de toutes les modernités plastiques mises sur le chantier dans cet enceinte d’apprentissage.

http://www.beauxartsparis.fr

 

 

atelier beaux-arts

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Atelier A. Messager

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