Buren téléporte ses colonnes dans des planètes de couleurs

Les « colonnes » du Palais Royal, après la gueulante de Buren, semblent être entrées en zone de soin. Avec une palissade ludique. Le périmètre est fermé et orné de fenêtres aux plastiques de couleurs, à des hauteurs différentes (comme les colonnes). Le site se découvre ainsi tout bleu, tout vert, tout jaune, succession de monochromes… C’est tout simple, ça évoque ces drôles de lunettes qui étaient censées nous révéler le relief d’une réalité aplatie et ouvraient plutôt un infini de perplexité: « quoi, c’est ça, c’est donc ça le relief? », avec à la clef l’impossibilité d’avouer que « ça ne marche pas avec moi », histoire que ça révélerait un handicap, une impuissance sensorielle!? Pour le reste, avec un dispositif très cheap, c’était, mine de rien, parmi les première expériences d’altérité, « voir le monde autrement » et s’en trouver interloqué… De fil en aiguille, cette installation à prendre comme un mix (« Burten remixe ses colonnes », leur fait subir une sorte de dématérialisation, elles relèvent ainsi plus d’une idée que d’une matérialité pourtant bien éprouvée lors des visites « libres » précédentes et qui les ont bien dégradées), évoque aussi la lanterne magique de Proust qui, avec ses verres colorés et ses illustrations, transformaient le décor de la chambre. Les colonnes ici au centre d’une vaste lanterne magique. Soit la question: quand je vois tout rouge, est-ce aussi une lumière semblable qui irrigue mon cerveau? Autrement dit, les choses nous regardent-elles, projettent-elles en nous les altérations qu’elles subissent?  En modifiant les frontières, les membranes à travers lesquelles passent les sensations, les repères sont profondément bouleversés, les distances, les perspectives, les distinctions entre dedans et dehors, les certitudes sur la réalité et ses apparences… Palissade pas si simple, finalement!


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